Brèves de courts (1)

Publié le par cynic63

La critique sociale et l'humour, sous ses différentes formes, font souvent bon ménage quand l'ensemble se mélange avec talent et humour. De ce point de vue, trois films ont marqué particulièrement. En voici une brève -et bien incomplète- présentation.


Dans un futur plus que proche, une entreprise allemande propose des services un peu spéciaux: l'accompagnement au travail de séniors qui, sans aide d'un tiers, ne pourraient efficacement s'acquitter de leur tâche. A la manière d'un docu-fiction, Arbeit für alle (Plein emploi) des allemands Thomas Oberlies et Matthias Voge (durée 12 min) s'ouvre sur des séquences d'interview des responsables de cette très libérale (donc moderne pour certains) société qui en justifient l'existence en usant d'arguments qui ressemblent à s'y méprendre à ceux que l'on nous sert bien souvent. Un habile voix-off suit l'un des stagiaires -bien sûr- dont la fonction est d'épauler un septuagénaire qui, en dépit d'un handicap de ses membres inférieurs, demeure un des meilleurs dans sa spécialité. Le film s'emballe alors et prend un tour complètement délirant lors d'une délicate intervention de notre sénior.... Je n'en dis pas plus car l'effet de surprise délibérément grotesque s'en trouverait réduit à néant. Ceci étant, on apprécie beaucoup cette manière de railler par un mélange des genres cinématographiques une société qui méprise et ses jeunes (le stagiaire avouant espérer un CDD et un salaire dans les...deux ans) et ses « vieux » (le « retraité à temps partiel » reconnaissant, en plein milieu du générique de fin, avoir repris du service pour assurer à son fils et ses petits-fils des revenus auxquels ils n'ont plus droit).En ces temps de remise en cause des droits à la retraite, voici un film qui nous parle très clairement...



Toujours sur un ton humoristique, mais dans un registre très différent, le film néerlandais Succes (Réussite) de Diederik Ebbinge (durée: 10 min) nous présente un cadre moyen pour qui le jour de gloire est arrivé: il va présenter à l'aide d'un vidéo-projecteur des résultats, dont on ne saura jamais sur quoi ils portent, à l'équipe dirigeante de son entreprise au grand complet. De graphiques en barres en diagramme circulaire, en passant par les inévitables courbes qui se croisent en certains points, notre cadre fait au mieux pour paraître important malgré la vacuité du discours. Le « staff » demeure circonspect mais écoute poliment jusqu'aux applaudissements du chef d'entreprise qui résonnent comme un signal d'approbation au "savant" exposé. Accolades, mots de félicitations, signes de tête évocateurs, et voici notre homme au sommet de sa gloire. Jusqu'à ce qu'un événement fortuit et malheureux n'y mette un terme définitif. On sourit à cet humour grinçant, à des dialogues savoureux et à des situations burlesques au service de cette tentative très réussie de ridiculisation du management à l'occidental.

Dans un autre domaine, puisqu'il s'agit , ici, d'une animation construite par collage de dessins aux traits enfantins sur lesquels les silhouettes des acteurs se superposent comme des « photos animés », Bygningsarbeidere (ouvriers de la déconstruction) de Kasja Naess ( durée: 6 min) nous propose un court très agréable. Nos deux ouvriers du bâtiment entament un long discours sur le sens de la vie: le plus jeune se demandant ce qu'il fait là à effectuer des tâches qu'il juge plus que dérisoires et le plus âgé essayant de lui démontrer que tout cela n'est pas digne d'une quelconque crise existentielle. Pendant que nos deux hommes de chantier parlent métaphysique, on voit en arrière-plan des images d'un monde qui plonge en plein chaos: Cela commence par quelques manifestations « musclées » puis on évolue vers des émeutes beaucoup plus violentes et, enfin, l'ensemble se termine par un véritable décor de guerre civile avec hélicoptères d'intervention et ruine totale des...bâtiments, justement. Ce film très ironique a obtenu un beau succès lors de la projection à laquelle j'assistais. J'ajouterai, pour finir, que nos deux compères ne sont absolument pas gênés par ce qui se déroule autour d'eux, n'y prêtent aucune attention et concluent leur long dialogue de la même manière qu'il avait commencé: par des platitudes. La vie continue car la bétonnière repart de plus belle....

A suivre....

Publié dans Ecran noir

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
M
J'ai également bien aimé Succes. D'emblée, on est plongé dans l'intimité un peu austère et réglée comme ses graphiques de cet employé un peu fade en apparence.On ne s'attend à ce que sa prestation soit sans intérêt, il y croit sincèrement même s'il n'a pas la tête d'un "gagnant".Devant une assemblée très attentive il lance son sujet. Chacun comprend le ridicule de son analyse puisqu'inexistante. Le chef d'entreprise orchestre le succès en "autorisant" une approbation générale qui comble de joie et de satisfaction notre héro.Malheureusement, il n'aura pas le temps de savourer son satisfecit, le péché de la gourmandise lui jouera un vilain tour... Bien vu !
Répondre