Chase the dragon

Publié le par cynic63

Premier film de Na Hong-Ji, The chaser est arrivé dans les salles précédé de nombreux prix, dont un au festival du film asiatique de Deauville. Un premier long-métrage qui tient du thriller ultra-violent mais pas seulement...
Joong-Ho (Kim Yoon-seok) est un ancien flic devenu un proxénète prospère qui doit faire face à une situation qui pourrait plonger sa lucrative petite entreprise dans la crise. Ses « protégées » disparaissent sans explication et, du coup, il se voit menacé par une pénurie de main d'oeuvre très préjudiciable. Obligé de satisfaire à la demande d'un client, il force Mi-Jin (Seo Yeong-Hee) à honorer un rendez-vous avec celui-ci alors que la jeune femme avait bien l'intention de ne pas travailler ce soir-là, clouée au lit par une méchante grippe. Se penchant sur ses agendas, dossiers et autres papiers professionnels, Joong-Hoo réalise que le client anonyme (il ne conserve que les numéros de portable des hommes avec qui il traite pour des raisons évidentes de discrétion) pourrait bien le renseigner sur les disparitions de ses filles: elles se sont toutes volatilisées suite à un rendez-vous avec lui.
Comprenant qu'il a peut-être livré Mi-Jin au loup, l'ex-flic la contacte afin de piéger l'inconnu. Manque de chance: le réseau ne passe pas dans la maison  qui alors ressemble de plus en plus à un piège... S'engage alors une course contre la montre car le spectateur a saisi: Young-Mi Jee ( Ha Jung-Woo) n'est pas un consommateur de sexe tarifé mais bien un pervers dont les intentions sont, horriblement, évidentes....
Ce qui fait la force de ce film, à ce moment-là de l'intrigue, c'est qu'on est tout de suite dans l'action. Le réalisateur n'y va pas par quatre chemins, ne tourne pas autour du pot. Il fait alterner les séquences montrant Joong-Hoo lors de sa recherche nocturne à un rythme effréné dans les quartiers chauds de Séoul et les scènes d'intérieur centrées sur le bourreau et sa victime. Du bruit et de la fureur, en quelque sorte, qui produit une angoisse grandissante dont le paroxysme est atteint lors de la mise en oeuvre du projet de Young-Mi Jee dans la pièce la plus terrifiante de la demeure: une salle de bains glauque et sale.
Le film durant deux heures, on aurait pu craindre une forme de délayage des plus superflues, mais le réalisateur, par une heureuse trouvaille scénaristique nous amène là où on ne pensait pas aller: l'arrestation du tueur par l'ex-flic au bout de trois petits quarts d'heure (de mémoire...). Sentant le vent d'une justice toute personnelle fondre sur lui, le criminel va trouver refuge auprès des forces de l'ordre avouant paradoxalement, à première vue du moins, les meurtres de nombreuses prostituées. Preuve de son cynisme et de sa volonté de manipuler tout le monde, le serial killer va gagner du temps en menant tout le monde en bateau car, si des preuves matérielles ne sont pas réunies dans les 12 heures, la police devra le relâcher. Suspense et tension encore lors de ces scènes de commissariat où les coups et les cris tombent comme la pluie sur la capitale sud-coréenne lors de cette nuit de terreur .

Na Hong-Ji
en choisissant des ruelles étroites lors des scènes de traques, une lumière blafarde et pisseuse dans le commissariat crée un décor de véritable malaise, rendant hommage au genre dans lequel son film s'inscrit tout en l'ancrant dans un univers bien personnel.
Si certains défauts comme des incohérences de situation (on se demande encore comment la jeune femme a pu si longtemps résister à ce qu'elle a subi), des ralentis malvenus ou clichés, une certaine hésitation à conclure (20 minutes de trop à notre goût), on a, néanmoins, apprécié cette façon de filmer, à la fois nerveuse, tendue, sombre et inspirée.
Surtout, et c'est là que l'on peut sans aucun doute affirmer que ce Chaser n'est pas qu'un simple thriller de plus, c'est que les propos du réalisateur vont plus loin.
On sent poindre, par petites touches, une virulente critique d'une société qui repousse toujours ses exclus au delà des limites du visible et du supportable: dans les ruelles lugubres et étroites de quartiers bien éloignés des lumières étincelantes de la ville, bien à l'abri des regards des "gens comme il faut" comme ce maire à qui l'on balance des excréments alors qu'il pérore tout sourire parmi ses gentils et proprets administrés bien qu'il semble avoir oublié qu'il était là pour aussi leur assurer un minimum.
Na Hong-Ji n'oublie pas de taper sur la police, plus préoccupée par les vicissitudes subies par le premier élu que par le sort d'une femme qui n'est, après tout, qu'une pute, comme sur une justice un peu aveugle  qui, malgré certaines évidences, relâche un suspect des plus inquiétants sans pousser plus avant les investigations nécessaires.
Si Joong-Hoo semble faire le chemin à rebours pour revenir vers plus d'humanité, de compassion (notamment lors de scènes avec la petite fille de Mi-Jin dont il doit bien s'occuper pendant le drame), d'autres prennent la direction inverse.
Film noir s'il en est, The Chaser ne retrouve la lumière (au propre comme au figuré) que pour un temps très limité, notamment lorsque Mi-Jin, blessée dans sa chair et son esprit, nimbée d'une beauté toute virginale, court dans les ruelles par un matin chaud et gorgé de rayons de soleil.
Mais au Pays du Matin Calme, on (re)bascule vite dans les ténèbres.
Assurément. Irrémédiablement. Définitivement

The Chaser, de Na Hong-Ji, Corée du Sud, (2008), 2 heures 03

Publié dans Ecran noir

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M
J'ai lu plusieurs critiques positives concernant ce film! Si j'ai l'occasion de le voir, je n'hésiterai pas!
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C
<br /> Attention: il ne faut pas craindre l'hémoglobine...Malgré mes quelques réserves, c'est un bon film de genre mais après, quelque chose de léger s'impose...<br /> <br /> <br />
L
merci de ton passage sur mon blog et du commentaire que tu as laissé sur mes panneaux de rues des cités michelins à clermont !!!
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C
<br /> Pas certain que mon message soit parti: je disais que ces noms de rue veulent dire quelque chose pour nous autres clermontois...<br /> <br /> <br />