Fin de partie...
De Barry Gifford, qui ne connait pas Sailor et Lula, roman magistralement adapté par David Lynch?
Plus rares sont ceux qui savent qu'en réalité, de nombreux volumes ont été consacrés au célèbre couple immortalisé à l'écran par Laura Dern et Nicolas Cage.
Rivages/Noir vient d'éditer le septième et ultime volume de la série, L'imagination du coeur, et le moins que l'on puisse dire c'est qu'on n'aura pas attendu longtemps entre la parution originale et sa traduction en français.
Lula est maintenant une vieille dame octogénaire et elle sent bien que sa vie touche à sa fin. Elle est seule depuis la mort de Sailor et le départ de son fils. Mue par une douce nostalgie dénuée de toute amertume, elle attend la mort en quelque sorte. Sa vieille amie Beany vient lui rendre visite. Les deux femmes ne se sont pas vues depuis plus de vingt ans mais leurs retrouvailles sont à la hauteur de leur attente: tout est comme avant entre elles; rien n'a absolument changé à un point tel qu'on se dit qu'elles se sont quittées la veille.
Mais, si Lula est le modèle de la personne âgée calme, peu revêche et attendrissante, Beany, quant à elle, même si elle est tout aussi sympathique, est loin d'être l'archétype de la grand-mère gâteau.
Plutôt verte, y compris sexuellement parlant, Beany va alors servir d'élément déclencheur aux dernières velleités de Lula et l'entraîner dans un voyage qui doit les mener à La Nouvelle Orleans où vit Pace, le fils de l'héroïne.
Les deux femmes prennent donc la route et le lecteur va les suivre dans une incroyable épopée pour deux mamies, si l'on peut dire.
Comme on est chez Barry Gifford, les situations vont souvent être cocasses, les personnages très atypiques, à l'image de ce Koomgang Lee, réfugié nord-coréen converti au judaisme, ou complètement déjantés, les références littéraires, cinématographiques ou musicales nombreuses, notamment lorsque Lula et Beany conversent lors de très beaux dialogues.
On en oublie le caractère parfaitement irréaliste ou exagéré de certains passages car l'ensemble - péripéties, personnages ou digressions sus-citées - tend vers quelque chose de plus important. En effet, il nous a semblé que cette imagination du coeur constituait une sorte de tentative de fermeture du cercle, de conclusion, non seulement à une "saga", mais à la vie d'un personnage.
D'ailleurs, cela paraît être avéré par le fait que Gifford a choisi une double narration pour ce dernier opus consacré à ses héros.
D'un côté, un narrateur extérieur, qui laisse souvent s'exprimer ses personnages, ne les analyse que très peu. De l'autre, une narration à la première personne, qui adopte le point de vue et le langage de Lula.
Dans ce dernier cas, le style est décousu, la syntaxe malmenée mais le tout se révèle totalement à propos car on comprend vite que Lula se rappelle des événements importants de sa vie, porte un regard pétri de poésie sur l'existence et, surtout, que son amour pour Sailor n'a jamais cessé d'être aussi fort et passionné, même si ce dernier est mort depuis dix-huit ans.
De plus, si on a accès directement aux rêves de Lula dans les chapitres dont elle est la narratrice, on "approche" ceux de différents personnages dans les autres. Des rêves qui se sont, ou pas, réalisés ou qui permettent encore d'espérer, de faire avancer, voire aussi d'oublier le poids des ans, à l'image de Beany qui aurait bien "consommé" un jeune homme rencontré au cours du voyage...
Beau roman sur le temps qui passe, court récit en terme de mise au point avant le grand sommeil, l'imagination du coeur, à travers un univers à la fois onirique et burlesque, constitue une bouffée d'air frais à consommer entre deux volumes de noir radical. Peut-être même est-il plus que ça, tant on se surprend parfois à en relire certaines pages.
C'est évidemment bien moins percutant, moins rentre-dedans que Sailor et Lula mais pouvait-il en être autrement, par la thématique abordée? A mon sens, non
L'imagination du coeur(The imagination of the heart, 2007) de Barry Gifford, (trad. Jean-Paul Gratias), Rivages Noir (2009), 157 pages
Plus rares sont ceux qui savent qu'en réalité, de nombreux volumes ont été consacrés au célèbre couple immortalisé à l'écran par Laura Dern et Nicolas Cage.
Rivages/Noir vient d'éditer le septième et ultime volume de la série, L'imagination du coeur, et le moins que l'on puisse dire c'est qu'on n'aura pas attendu longtemps entre la parution originale et sa traduction en français.
Lula est maintenant une vieille dame octogénaire et elle sent bien que sa vie touche à sa fin. Elle est seule depuis la mort de Sailor et le départ de son fils. Mue par une douce nostalgie dénuée de toute amertume, elle attend la mort en quelque sorte. Sa vieille amie Beany vient lui rendre visite. Les deux femmes ne se sont pas vues depuis plus de vingt ans mais leurs retrouvailles sont à la hauteur de leur attente: tout est comme avant entre elles; rien n'a absolument changé à un point tel qu'on se dit qu'elles se sont quittées la veille.
Mais, si Lula est le modèle de la personne âgée calme, peu revêche et attendrissante, Beany, quant à elle, même si elle est tout aussi sympathique, est loin d'être l'archétype de la grand-mère gâteau.
Plutôt verte, y compris sexuellement parlant, Beany va alors servir d'élément déclencheur aux dernières velleités de Lula et l'entraîner dans un voyage qui doit les mener à La Nouvelle Orleans où vit Pace, le fils de l'héroïne.
Les deux femmes prennent donc la route et le lecteur va les suivre dans une incroyable épopée pour deux mamies, si l'on peut dire.
Comme on est chez Barry Gifford, les situations vont souvent être cocasses, les personnages très atypiques, à l'image de ce Koomgang Lee, réfugié nord-coréen converti au judaisme, ou complètement déjantés, les références littéraires, cinématographiques ou musicales nombreuses, notamment lorsque Lula et Beany conversent lors de très beaux dialogues.
On en oublie le caractère parfaitement irréaliste ou exagéré de certains passages car l'ensemble - péripéties, personnages ou digressions sus-citées - tend vers quelque chose de plus important. En effet, il nous a semblé que cette imagination du coeur constituait une sorte de tentative de fermeture du cercle, de conclusion, non seulement à une "saga", mais à la vie d'un personnage.
D'ailleurs, cela paraît être avéré par le fait que Gifford a choisi une double narration pour ce dernier opus consacré à ses héros.
D'un côté, un narrateur extérieur, qui laisse souvent s'exprimer ses personnages, ne les analyse que très peu. De l'autre, une narration à la première personne, qui adopte le point de vue et le langage de Lula.
Dans ce dernier cas, le style est décousu, la syntaxe malmenée mais le tout se révèle totalement à propos car on comprend vite que Lula se rappelle des événements importants de sa vie, porte un regard pétri de poésie sur l'existence et, surtout, que son amour pour Sailor n'a jamais cessé d'être aussi fort et passionné, même si ce dernier est mort depuis dix-huit ans.
De plus, si on a accès directement aux rêves de Lula dans les chapitres dont elle est la narratrice, on "approche" ceux de différents personnages dans les autres. Des rêves qui se sont, ou pas, réalisés ou qui permettent encore d'espérer, de faire avancer, voire aussi d'oublier le poids des ans, à l'image de Beany qui aurait bien "consommé" un jeune homme rencontré au cours du voyage...
Beau roman sur le temps qui passe, court récit en terme de mise au point avant le grand sommeil, l'imagination du coeur, à travers un univers à la fois onirique et burlesque, constitue une bouffée d'air frais à consommer entre deux volumes de noir radical. Peut-être même est-il plus que ça, tant on se surprend parfois à en relire certaines pages.
C'est évidemment bien moins percutant, moins rentre-dedans que Sailor et Lula mais pouvait-il en être autrement, par la thématique abordée? A mon sens, non
L'imagination du coeur(The imagination of the heart, 2007) de Barry Gifford, (trad. Jean-Paul Gratias), Rivages Noir (2009), 157 pages